La pratique de samou
Dans le bouddhisme zen, une grande importance est donnée au travail pour la communauté, dans un esprit de don et de dévouement. Cette activité bénévole est appelé samou.
L'énergie collective de nombreux pratiquants a ainsi permis la création de dojos ou de monastères ces dernières décennies, et c'est en grande partie grâce au samou que ces lieux peuvent fonctionner au quotidien. Faire la cuisine, nettoyer les locaux, composer des bouquets de fleurs pour les autels... toutes ces fonctions sont effectuées dans l'esprit du Don, l'une des principales valeurs du bouddhisme.
Pendant les sesshin ( retraites de méditation), une plage de temps assez importante est ainsi consacrée au samou et offre la possibilité de travailler dans la concentration et le silence, geste après geste. A la cuisine, les légumes retrouvent leurs couleurs, l'huile grésille dans la poêle et l'éventail des odeurs se déploie sur toute sa palette.
Au monastère Ryumon Ji, tout l’entretien et le fonctionnement sont assurés dans le cadre du samou. Des horaires fixes sont prévus pour cette pratique le matin et l’après-midi. Après une courte cérémonie, le moine ou la nonne responsable du samou répartit les tâches à effectuer entre les personnes présentes. Que ce soit pour aider au secrétariat, couper des légumes à la cuisine, nettoyer les toilettes, empiler le bois de chauffage, désherber, fabriquer une étagère pour le rangement des chaussures, sans choisir, on se consacre avec un esprit paisible à ce qu’il faut faire.
En se concentrant complètement, avec la totalité du corps-esprit, dans l'action, notre vie devient simple et sereine.
Le samou dans le bouddhisme zen, un peu d'histoire...
par Florent Hogen Martinez, moine zen
Dans les premiers temps du bouddhisme en Inde, les moines et les nonnes subvenaient à leurs besoins en pratiquant la mendicité. Plus tard, pendant la période chinoise, les monastères chan ( zen, en chinois) devinrent plus autonomes. C’est à ce moment qu’apparut la notion de samou qu’on traduit généralement par "activité manuelle".
Le maitre zen Hyakujo Ekai (720-814), rédigea les premières règles monastiques, dont le zen s’inspire encore aujourd’hui : le point essentiel fut l’importance qu’il accorda au samou et à l’autosubsistance de la communauté. La tradition indienne de la mendicité fut conservé comme méthode de formation, mais les biens de la communauté étaient produits par les moines.
Un jour sans travail, un jour sans manger
Maitre zen Hyakujo Ekai (720-814)
" Un jour sans travail, un jour sans manger " était la maxime de Hyakujo que l’on retrouve aujourd’hui encore inscrite dans les temples chinois. Il l’appliquait à lui-même avec rigueur. Un jour, alors qu’il était vieux, ses disciples avaient caché ses outils afin qu’il se repose : il refusa simplement de manger.
Au 9eme siècle en Chine, les temples bouddhistes d'autres traditions furent persécutés et pillés. Les temples chan survécurent parce qu’ils étaient isolés, ne possédaient pas de richesses, pratiquaient l’agriculture et produisaient eux-mêmes, grâce au samou, la plus grande partie de leurs besoins.
L'esprit du samou aujourd'hui
La tradition japonaise du Zen a conservé cette façon autonome de fonctionner.
Le samou fait aujourd’hui partie intégrante de la pratique. Pendant le samou, l’esprit de concentration, de présence produit à partir de zazen ( méditation zen) se maintient dans toutes les activités de la journée.
Tout devient pratique et il n’y a pas de séparation entre la méditation et l’activité. Les temples, les dojos, ont été créés en grande partie par l’énergie et l’investissement des pratiquants, par leur samou. Toute l’activité qui s’y déploie est samou : préparer les repas, jardiner, construire, réparer, organiser l’intendance, faire la comptabilité, créer des événements etc.
Le samou est l’œuvre sainte dédiée à la communauté. Il devient donc une pratique comme le zazen ou la couture du kesa (vêtement des ordonnés) qui contribue à produire l’esprit d’éveil, l’esprit d’altruisme. Samou et zazen sont des pratiques apaisantes et gratifiantes qui permettent de poser un pavé sur la Voie, pour soi-même et pour les autres.
Une joie naturelle et spirituelle rayonne à partir de cette pratique.
Faire samou c’est s’activer dans la maison du Bouddha.